Jaguar XJ, la délicate métamorphose d'une icône
Après plus de quarante ans de bons et loyaux services, la marque renouvelle sa grande XJ. La nouvelle venue devra imposer son étonnante rupture de style pour faire admettre sa continuité.
Née en 1968, la silhouette de la grande berline XJ était devenue une icône que l'on guettait à la télévision devant le 10 Downing Street. Sa longue carrière a été ponctuée de notables améliorations, comme le passage à l'aluminium au début des années 2000. Mais, reliftée jusqu'à l'écœurement, la XJ avait vieilli, ne trouvant plus que 75 acheteurs en France en 2009. Face à la jeune XF, elle n'était plus dans le coup. Certes, le nouveau modèle aurait pu jouer la carte du néorétro, comme la S-Type, inspirée par les galbes des anciennes MK. Mais la XJ était trop usée, et la marque est assez vite arrivée à la conclusion qu'il fallait totalement renouveler ses lignes.
Et là, Jaguar n'a pas opté pour la demi-mesure. L'esthétique de la new XJ marque une totale rupture de style avec le précédent modèle. Il s'agit d'un véhicule de taille imposante:5,12 m en châssis court, 5,25 m en châssis long. Pour faire simple, disons qu'elle est proche, à une échelle supérieure, de celle de sa cadette XF. Mais la comparaison s'arrête à la poupe. C'est en effet l'arrière de la voiture qui cristallise tous les commentaires, et pas toujours des plus aimables.
Que lui reproche-t-on ? Pour parler net, d'être trop proéminent et rondouillard. Surtout:la malle ne donne pas l'impression d'être bien intégrée à la carrosserie. La partie entre la lunette arrière et la porte de coffre introduit une disgracieuse solution de continuité et apparaît comme trop complexe. Le panneau de coffre chute enfin brutalement, donnant l'idée que les designers ont malgré tout dû se résoudre à terminer la voiture. Les feux verticaux accentuent de plus cette perception.

Face à ces critiques, la marque botte en touche en mettant en avant l'équilibre de ses porte-à-faux, l'harmonie entre ses lignes de toit et de caisse, la calandre «plus sculptée». À l'entendre, ce design est un exercice subliminal propre à séduire la clientèle sans qu'elle s'en aperçoive. Nous verrons ce que vaut cet argumentaire dans les chiffres de ventes.
Certes, au fil des ans, les acquéreurs de Jaguar sont de plus en plus russes ou chinois. Sur leurs marchés, le label britannique reste plus que jamais synonyme de luxe et de raffinement. Sans doute ces nouveaux automobilistes avides de voitures de luxe se montreront-ils moins critiques vis-à-vis de la carrosserie de la nouvelle XJ : leur mémoire de l'automobile n'est pas la même que de part et d'autre de l'Atlantique.
L'intérieur, en revanche, ne suscite pas les mêmes controverses. Car on se retrouve bien là en territoire Jaguar. L'ambiance est plus chaleureuse que dans les réalisations allemandes. Les placages de bois, disponibles en neuf variétés, sont abondants et bien disposés. La technologie est du dernier cri. Le tableau de bord, comme sur les Mercedes et les BMW, fait ainsi appel à un grand écran sur lequel on peut changer l'instrumentation du bout des doigts.
La liste des équipements de confort est réellement impressionnante. Parmi les plus spectaculaires, les sièges massant, l'écran du GPS permettant au seul passager avant de visionner un film, et l'extraordinaire système audio Bowers & Wilkins. Les deux toits ouvrants aspirent le ciel et, malgré une ceinture de caisse assez haute, l'habitacle est très lumineux. La XJ conserve sa structure en aluminium, formidable œuvre de métallurgie. Elle ne comporte plus aucun point de soudure par fusion, confiant son assemblage à quelque 2 800 rivets autotaraudeurs ainsi qu'à 90 mètres d'adhésif époxy. Nous ne sommes là pas loin d'une fabrication aéronautique.