BlackBerry va-t-il rejoindre Alcatel et Siemens au cimetière des constructeurs mobiles ?

Publié le par iheb

Illustration d'un BlackBerry (SIPA).

 

 

BLACKBERRY. Depuis sa banalisation, le marché de la téléphonie mobile se construit autour de tendances qui me semblent de plus en plus éphémères. En effet, avec le temps les cycles du marché se raccourcissent. Naturellement, cela impose aux constructeurs historiques d’innover en permanence sous peine de perdre des parts de marché ou de disparaître.

 

À l’aube de la révolution mobile, Alcatel, Ericsson, mais aussi Siemens, ont tous été constructeurs de téléphones portables. À l’heure actuelle, plus aucun de ces géants des télécoms n’en commercialisent. Alcatel-Lucent et Ericsson se sont recentrés sur la fourniture d’équipements pour les réseaux opérateurs et Siemens s’est complètement désengagé de ce domaine.

 

Aujourd’hui, d’autres constructeurs tels que Nokia passent un cap décisif, mais ce dernier semble sauvé, notamment grâce à son partenariat avec Microsoft et son système d’exploitation Windows Phone. N’oublions pas non plus Blackberry, pour qui l’avenir est cette fois plus incertain.

 

La révolution Apple

 

Considéré comme l’un des premiers téléphones intelligents à succès, BlackBerry mise sur quatre ingrédients :

 

- L’autonomie de ses appareils

- La compression des Data

- Le clavier

- La sécurité

 

En plus de ces arguments de vente, il devint rapidement l'objet fétiche du cadre branché. À la fois téléphone cellulaire et assistant personnel, le BlackBerry et sa technologie innovante de transmission de données permettait pour la première fois de recevoir et d'envoyer des e-mails en temps réel.

 

Face à une concurrence quasi inexistante, RIM (maison mère de Blackberry) s'est imposé comme un acteur incontournable sur le marché en passant la barre des 5 millions d'utilisateurs en 2006. C’était sans compter sur Apple qui révolutionnera dès 2007 le monde du mobile avec son écran tactile et son ergonomie.

 

À l’image du Storm (premier modèle à écran tactile de la marque), Blackberry tentera de concurrencer l’iPhone, mais la technologie utilisée (SurePress en premier lieu) ne fera pas l’unanimité.

 

Des limites techniques

 

À ce jour, je considère que les arguments de Blackberry ne tiennent plus la route. Tout d’abord, la demande pour un appareil entièrement tactile est inévitable, ce qui annonce la fin du légendaire clavier BlackB’. Thorsten Heins, directeur général de RIM, s’est même résolu à suivre la tendance en annonçant que "le consommateur aura désormais le choix entre tactile et clavier sur toute la gamme."

 

Cela pose malgré tout un autre problème : en conservant la taille "standard" de ses écrans, la société risque de ne pas lutter à armes égales avec ses concurrents dont l’écran, beaucoup plus imposant, est optimisé pour une navigation adaptée.

 

Viennent ensuite les pannes à répétition. La sécurité et le confort promis par RIM deviennent obsolètes. En effet, les services connectés BlackBerry ont connu de nombreuses pannes de serveur sur des délais plus ou moins importants selon les régions du monde. De plus, un rapport international déclare que la méthode de gestion des données du Blackberry pourrait même porter atteinte à la "sécurité nationale".

 

Pour terminer, l’argument de la compression des données, qui permet de désengorger les réseaux, est également tombé avec l’arrivée des réseaux 4G à très haut débit aux Etats-Unis. Le Directeur Général de RIM l'avoue, la société n’était pas prête à perdre autant en exposition, et donc a ne plus bénéficier de l’effet bouche-à-oreille qui lui a servi dans le passé.

 

2011, annus horribilis

 

L'année 2011 restera la plus tendue de l'histoire de la marque, car trimestre après trimestre, ses parts de marché ont baissé. À l’approche de l’été de cette même année, ses concurrents Android et Apple sont même parvenus sans peine à le dépasser. Aujourd’hui, ces derniers se livrent une guerre des "OS", sans se soucier de la firme canadienne.

 

Comme si cela ne suffisait pas, les mauvaises nouvelles pleuvent sur RIM depuis quelques mois. En juin dernier, Thorsten Heins, annonçait un licenciement de 5.000 employés et retardait le lancement de la nouvelle génération de son téléphone intelligent, le BlackBerry 10, à début de 2013.

 

Thorsten Heins, directeur général de BlackBerry à San José, le 25 septembre 2012 (E.RISBERG/SIPA).

 Thorsten Heins, directeur général de BlackBerry à San José, le 25 septembre 2012 (E.RISBERG/SIPA).

 

Une erreur stratégique quand on connaît l’importance des fêtes de fin d’année. À la rentrée, unenouvelle panne a frappé son service au moment où Apple lançait l’iPhone 5. La semaine précédente, Marissa Mayer, PDG de Yahoo, annonçait qu’elle offrait un nouveau smartphone à tous ses employés.

 

Libre à eux de choisir celui qu’ils voulaient, excepté un BlackBerry, car la marque ne figurait pas dans la liste des téléphones acceptés. Une décision troublante, quand on sait que les entreprises furent les premières ambassadrices de la marque.

 

Enfin, un article du "New York Times" datant du 15 octobre donnait la parole aux utilisateurs de BlackBerry pour que ceux-ci puissent témoigner de leur honte de posséder un terminal canadien, alors que la mode est aux iPhones. Cet article aux allures de "confessions intimes" semblait presque être une vaste blague.

 

Quand certains témoignaient du "rejet" et des "moqueries" dont ils sont victimes, ils nous donnent l’impression d’avoir entre leurs mains, un Motorola DynaTAC 8000X de 1983. Pourtant, ces témoignages qui me semblent tout de même surdoués, symbolisent la dégringolade du chiffre d’affaires de la société. En effet, pour la première fois de son histoire, RIM risque de connaître une décroissance des utilisateurs de son BlackBerry. Dès le prochain trimestre, les analystes prévoient même une forte chute du nombre d’utilisateurs.

 

Des applications trop peu nombreuses

 

Au-delà de toutes ces contraintes techniques et de son esthétique, la principale faiblesse du Blackberry réside, selon moi, dans son manque d’applications. Ce type de contenu symbolise à lui seul l’intérêt du smartphone. Sociales pour la plupart, elles permettent d’entretenir du lien et d’affirmer sa personnalité.

 

Le problème, c’est que les développeurs ne s’attaquent presque pas au système d’exploitation de BlackBerry ce qui fait que son catalogue d’App est très léger. Hier, il fallait suivre la dernière "TV réalité" à la mode, aujourd’hui, ne pas avoir testé la nouvelle application tendance de l’Appstore est signe de ringardise, notamment chez les plus jeunes.

 

En résulte les testimoniaux du "New-York Times" et l'abandon de ce terminal chez les sociétés, qui préfèrent se tourner vers l’iPhone ou le Galaxy S3. Effectivement, ces derniers proposent davantage d’applications professionnelles pour faciliter le quotidien de leurs employés.

 

Trouver un nouveau positionnement

 

Apple et Android auraient donc réussi leur pari de tuer à petit feu cette légendaire marque de mobiles, autrefois l’apanage des fonctions les plus prestigieuses ?

 

Pas forcément. Je crois que l’année 2013 sera un tremplin pour Blackberry, à condition qu’elle ne manque pas son saut avec le système d’exploitation BB 10. Quelques signes semblent soutenir le renouveau de la société canadienne.

 

Après iOS et Android, BlackBerry 10 pourrait devancer Windows Phone et devenir le prochain système d'exploitation mobile à avoir les honneurs d’Instagram, réseau social branché.

 

RIM tente de séduire la communauté des développeurs pour que le catalogue d’applications BB10 soit achalandé au moment du lancement prévu début 2013. Les développeurs peuvent dès à présent soumettre leurs créations avec la garantie qu’elles seront passées en revue, testées et prêtes à être publiées quand BlackBerry 10 sera lancé.

 

Mais cela suffira-t-il a BlackBerry pour revivre ses heures de gloire ? Il y a peu de chance que le constructeur rattrape ses concurrents Apple et Android, du moins à court terme. En revanche elle a tout intérêt à se relancer pour faire face à Windows Phone qui devrait se positionner comme le troisième OS pour smartphone en Europe d'ici à la fin de l'année et donc le canadien.

Publié dans high-tech

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